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Zena venait d’finir son pestacle.
Les projecteurs pendaient comme des idées usées.
La scène du Cabaret suait l’incompréhension habituelle.
Zena, ne s’est pas levée pour saluer.
Elle s’est pas éclipsée non plus, comme les artistes prétentieux qui fument des poèmes derrière le rideau.
Elle s’est assise.
En plein milieu.
Trompe posée sur les genoux. Regard vague.
Et d’un ton qui ressemblait à un soupir mal rangé, elle a commencé :
J’vais vous dire un truc. Un jour tout en plein rien, j’traînais ma trompe dans un coin qui sentait l’oubli, à la recherche d’un boulon qui sentait bon la trahison. C’était pas pour une mission, ni pour saboter un parti, ni même pour planter des nouilles sous un banc, non. Juste une journée gloups, comme toutes les autres, où mon cerveau faisait la sieste dans une chaussette oubliée.
J’ai fouillé dans une benne à demi-vérité derrière le Bouffzouk.
Là, j’ai trouvé un vieux entonnoir en mousse acoustique qui vibrait quand on chuchotait dedans, un tuba en mousse compressée, et un rouleau de tapisserie recouverte de lettres de refus du Zlouk Théâtre.
J’ai rien prévu. J’ai juste collé le tout avec un peu de bave séchée, quelques miettes de GroTacos et une vis de trampoline rouillée.
Quand j’ai relevé la trompe, l’bidule vibrait.
Un grand tube mou, couvert de boutons qui servaient à rien, avec une antenne tordue qui pointait vers la conscience collective. Il brillait de travers, pulsait des petits “PLOP” réguliers et sentait le secret chaud.
J’ai appuyé dessus. Une seule fois.
Et là, dans toute la ville, y’a eu un léger “floup” mental.
Les Bouzouks, un peu perdus, s’sont mis à s’arrêter, à regarder autour, à réfléchir tout haut sans le vouloir.
Des trucs du genre :
‘Mais pourquoi on jette les slips troués ?’
‘J’ai envie d’peindre un bout d’ce que j’ressens, sur un mur qu’est même pas à moi.’
‘C’est qui qui a pété dans mon cerveau ?’
L’objet faisait pas penser.
Il faisait parler la pensée.
Un déblocateur d’nez-intérieurs.
Un décoinçeur de cerveau collectif.
J’l’ai baptisé sans trop y penser : le Réfléchoir.
J’l’ai planté dans l’sol, au milieu de la place, sans message, sans frime, juste un p’tit mot écrit à la glaviotte :
‘Pose ta trompe. Réfléchis avec les autres. Pas contre.’
Depuis, tout le monde peut y passer.
Pas besoin d’être élu, riche, mafieux ou même propre.
Le Réfléchoir, il écoute.
Et quand tu poses la main dessus, il t’fait parler c’que t’osais pas penser.
Même les Glandeurs y vont.
Même les Bouzouks du fond qui parlent jamais.
Et parfois, la ville devient un peu moins idiote.
Un peu plus sincère.
Zena n’a pas attendu qu’on l’applaudisse.
Elle s’est levée, a salué personne, et a glissé entre les rideaux comme une idée qu’on reverra jamais deux fois.
Mais dans les têtes…
y’avait un bruit doux.
Un floup qui disait qu’la pensée, quand elle sort, elle fait d’la place pour autre chose.
Déconnecté
Assis seul devant la scène, un verre désormais vide, le regard fixant le rideau.
Elle va revenir ?, je vais l'attendre
LOBLONG BLOURBIUS
Aux ruines, je tiens ma cour; aux vivants, mon respect.
Déconnecté
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